Les réseaux qui durent sont sous licence CC BY SA

Extrait de ce texte de Gatien Bataille sous licence CC BY SA

Introduction : Un monde à la dérive

Imaginez le monde actuel à la lumière de ces données

  • Nous sommes il y a quelques millénaires. Pour utiliser la lettre "e", il faudra me verser des royalties. Il y a des milliers d'années, l'humain passe un cap majeur : c'est l'invention de l'écriture et des alphabets. Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger la lettre "e" par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez utiliser cette lettre, payez ou réduisez vos ambitions ;-)
  • Nous sommes dans un atelier en Mésopotamie, 3500 ans avant Jésus Christ. Par un coup de génie (surtout inspiré de la nature mais chuuut) je viens d'inventer la roue ! Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger cette invention par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez utiliser une roue il faudra me verser des royalties !
  • Il y a 350 000 ans, en bordure d'une grotte, voilà des jours et des jours que je tente de reproduire ce feu que nous chérissons et entretenons lorsqu'il tombe du ciel. Et voilà que je tombe enfin sur la "méthode reproductible" à souhait pour faire du feu. Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger cette invention par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez faire du feu il faudra me verser des royalties !

Maintenant passons dans la réalité

  • Une société australienne est parvenue à placer une licence sur un gène humain lié à un type précis de cancer. Résultat : Pour pouvoir étudier ce gène afin de trouver un médicament, il faut payer.
  • Une institutrice avait lancé un blog sur lequel elle échangeait avec ses élèves. Elle s'est vue attaquée par le quotidien "Le Figaro" pour violation du droit de sa marque... Eh oui, le blog de l'enseignante se nommait "La classe de Madame Figaro" (par ailleurs le vrai nom de cette femme).
  • Monsanto retente une fois encore de placer ses semences de soja sous le contrôle d'une licence, ce qui empêcherait à terme tout personne n'ayant pas payé de royalties de resemer les semences de soja produite dans son champ.
  • Une société canadienne demande quant à elle 150 euros par utilisation d'un simple extrait de son contenu (ce qui revient à faire disparaître un droit reconnu, celui de la citation).
  • Le robot censeur (content ID) qui scanne en permanence les vidéos déposées sur Youtube a entraîné le retrait de plusieurs vidéos sous prétexte de violation du droit d'auteur. La vidéo d'un amateur de nature s'est vue retirée car les chants d'oiseaux en arrière fond (le son pris en direct dans la nature) ont été reconnus par le robot comme violant le droit d'auteur (par erreur bien sûr). Autre exemple, une vidéo amateur des météorites de Russie a été considérée comme violant le droit d'auteur car sur l'autoradio on entendait au loin une chanson.

Et pourtant…

Le succès de Walt Disney ne repose-t-il pas dans une large mesure sur le fait d'avoir puisé librement dans le patrimoine des contes et des légendes, devenus entre temps des modèles littéraires du domaine public ? Disney a, parmi d'autres, redonné vie à des personnages emblématiques comme Blanche Neige, la petite Sirène ou la Belle et la bête. Il les a modifiés, "remixés", réincarnés. Le résultat lui a fait gagner de l'argent. Ce succès commercial repose donc lui aussi sur le recours à un héritage culturel commun.

Il en résulte un "devoir de restitution" envers la collectivité. Ou bien doit-il être possible de revendiquer des droits exclusifs d'exploitation sur quelque chose qui tire son origine de notre culture commune ?

Disney devrait bien plutôt laisser Mickey Mouse et Donald Duck à la libre disposition du public, les investissements ayant déjà été plusieurs fois couverts.

Pourquoi les licences ouvertes permettent la valorisation financière des productions du réseau ?

Les niveaux de richesse dans un réseau.

Avant d'aller plus loin, il faut expliciter la notion de niveaux de richesse dans un réseau :
  • Les richesses de niveau 1 : c'est la juxtaposition des richesses individuelles apportées par chacun des membres
  • Les richesses de niveau 2 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le réseau à partir des richesse individuelles de ses membres
  • Les richesses de niveau 3 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le réseau ET les réseaux avec qui ils échangent en mutualisant leurs richesses de niveau 2 respectives.

À partir du niveau 2, les richesses produites sont en général de qualité suffisante que pour envisager une valorisation financière.

Exemple d'un réseau qui partage

Richesse de niveau 1 : Le réseau s'organise et compile les apports individuels de ses membres
Les membres discutent du statut des apports de chacun et choisissent consciemment de placer leurs apports sous licence ouverte (vraiment ouverte donc sans restriction d'utilisation commercial - le NC des licences Creatives Commons).Ce qui sous-entend que celui qui n'est pas d'accord retire ses apports.

Richesse de niveau 2 : Le réseau grandit et produit des oeuvres collectives en s'appuyant sur les richesses de niveau 1 (les apports personnels des membres). Ces productions collectives sont suffisamment "riches" que pour lancer une valorisation financière.
Grâce à la licence ouverte, les productions collectives sont valorisables facilement et ce même si certains membres du réseau ne sont plus présents ! Chacun ayant préalablement autorisé la valorisation de ses apports moyennant la mention de son nom et le maintien sous licence ouverte. (exemple : les contenus de la formation Animacoop)
Ceci est aussi valable si un membre du réseau s'empare des richesses de niveau 2 et les vend. Mais cela pourrait créer des tensions, voire le départ de ce membre qui ne pourrait plus se prévaloir de faire partie du collectif.

La force des licences ouverte Share Alike

Les réseaux ayant fait le choix des licences ouverte Share Alike (partage à l'identique) ont un effet de spirale important. Leurs productions étant souvent importantes et de qualité (car ils atteignent le niveau 2 de richesse plus facilement), ils sont régulièrement sollicités pour échanger des contenus avec d'autres réseaux proches ou similaires.

Si ces réseaux proches ont eux fait le choix d'une licence plus fermée (Non commerciale par exemple) l'échange est très difficile car les productions du réseau "ouvert" nécessite d'être partagée à l'identique… ceci oblige le réseau "plus fermé" à un choix :
  • soit il profite des richesses du réseau ouvert mais alors il doit adopter la même licence.
  • soit il ne veut pas quitter sa licence et il regarde avec envie et désespoir toutes les richesses qu'il aurait pu partager et les richesses de niveau 3 (hautement valorisables celle-là) qu'ils auraient pu faire ensemble ;-)