Module 08 - Le Précieux Facteur Humain

Récit autour de la création du Transistore, recyclerie conviviale

Par Karine Braud, Animacoopienne de la session brest printemps 2016.

L'idée du TransiStore est née il y un peu plus d'un an maintenant, en février 2016. L'objectif ? Créer, là où je vis, une recyclerie qui ne serait pas seulement une recyclerie. Créer un lieu de vie, de réflexion et d'expérimentations autour de la transition dans notre ville. Dans ma tête, ça a vite pris forme. Je voyais une boutique sympa, et à côté, un café associatif chaleureux, avec vue sur un jardin collectif, beau, animé, et grouillant de vie.

Cette idée a germé, s'est doucement enracinée, et rythme mes journées depuis lors. Je dis "je", car je vous livre ici un témoignage personnel. Mais c'est un projet collectif, et souvent, coopératif ! En tant qu'initiatrice du projet, j'ai pris un rôle d'animatrice, que l'on m'a laissé bien volontiers. J'ai suivi la formation Animacoop au printemps 2016 à Brest, alors que le TransiStore n'avait pas encore de nom.

Aujourd'hui, notre association est dirigée par un Conseil d'Administration collégial. J'ai ainsi pu confronter les cours à la réalité. Il y a eu des déceptions, des questionnements et aussi des moments de grande satisfaction !


J'aimerais vous faire revivre quelques temps forts de cette première année, et montrer de quelle manière les notions d'animation de projet coopératif ont pu nous aider.

La constitution du collectif

Développer une vision partagée

C'est bien d'avoir une idée. Quelque chose qui nous inspire. Mais comment peut-on savoir que ce sont les mêmes images, les mêmes valeurs qui animent vos collègues ? C'est avec cette question en tête que j'ai mené l'une des premières réunions de notre future association. En m'inspirant du MOOC Oasis des colibris, que je suivait alors, et des cours Animacoop, j'avais proposé que chacun réfléchisse en amont à une série de questions telles que : Qu'est-ce qui me motive à m'investir dans ce projet ? Qu'est-ce que j'attends de ce projet ? Qu'est-ce que je suis prêt(e) à lui apporter ?

Bien utiliser les cartes heuristiques
Au moment du partage, lors de la réunion, nous avons reporté nos réponse sur une carte heuristique, qui permettait de visualiser et de comparer très facilement les réflexions de chacun. J'avais simplement oublié, et c'est important, de faire exprimer à cette occasion les craintes et les appréhensions que peuvent faire naître le projet. ça a été un très bon outil d'animation dans l'objectif d'échanger notre vision des choses.

En faire quelque chose de beau !
Un bon outil d'animation, certes, mais on est d'accord, on ne les consulte pas pour le plaisir des yeux ! Alors lorsqu'il s'agit de la publier pour donner envie de découvrir notre démarche, on se donne un peu de mal pour y mettre des couleurs : par exemple sur cette carte de présentation du projet, toujours disponible en ligne sur framindmap (https://framindmap.org/c/maps/175747/public). Et on peut aller encore plus loin, en exploitant les ficelles de la facilitation graphique, pour quelque chose d'encore plus ludique, comme sur la carte â??notre recyclerie idéaleâ?, publiée dans le compte rendu de notre première réunion publique, et qui avait eu un franc succès.

Reculez encore un peuâ?¦ là, vous y voyez plus clair !

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Au cours de cette première année, deux personnes, qui avaient souhaité prendre part au projet de manière significative, ont finalement décidé de ne pas s'y investir et sont parties. On accuse toujours un peu le coup : est-ce ma façon de voir les choses ? Le projet fait-il peur ? Qu'est-ce que j'ai raté ?... Et puis on regarde à côté, et on se rend compte que, si le projet est ambitieux, il y a des copains que ça motive ! C'était donc une décision personnelle de la part de ceux ou celles qui ont quitté le navire. Et quand la décision est prise et annoncée, on se rend compte que, finalement, c'est souvent mieux ainsi, pour tout le monde.

Bien regarder autour de soi
Essayer de saisir l'ambiance générale, pour déterminer s'il y a ou non un problème de fond. Bien entendu, discuter à coeur ouvert, si possible, avec la personne qui a décidé de quitter l'équipe, si tel est la situation que vous rencontrez. Vous apprendrez forcément quelque chose ! Même si l'on est préparé à l'idée qu'un projet de longue haleine puisse subir ce genre de remous, c'est toujours difficile sur le moment. Du reste, il faut bien se dire que parfois, c'est beaucoup mieux

Communiquer ! Le nerf de la guerre

De l'art de mener ses réunions

J'ai préparé le premier CA en suivant les conseils des fiches créées par le réseau Ecole et Nature. Ouh la, vous êtes allés les voir sans lire la suiteâ?¦ ça fait un drôle d'effet non ? Oui, ces fiches font peur. Elles sont incroyablement densesâ?¦ Parce que c'est tout un art ! Cela dit, inutile de les lire d'un bout à l'autre. Vous pouvez vous concentrer sur un point à la fois, et ainsi, essayer d'améliorer un aspect à chaque réunion. De toute façon, vous vous rendez vite compte qu'il est impossible de tout maîtriser d'un seul coup !

Co-animer les réunions
Bon, ça c'est la théorie. En pratique, certaines choses peuvent se mettre en place naturellement, et beaucoup vous aider, comme la co-animation d'une réunion. C'est ce qui est arrivé récemment lors d'un de nos dernier CA. Sans nous concerter, nous avons pris à deux la responsabilité d'animer les échanges, en se soutenant pour faire avancer les points tout en veillant au temps qui passe (vite !). La répartition des rôles était claire mais souple, chacun pouvant intervenir quand l'autre faiblissait. C'était agréable, et surtout, très efficace !

Ne pas oublier les temps conviviaux/informels entre les membres du noyau dur
Si vous êtes comme moi, vous pouvez parfois avoir la tête dans le guidon dans les réunions chargées où il faut être efficace. Les échanges peuvent alors manquer d'une certaine légèreté. Alors n'oubliez pas d'organiser des rencontres plus informelles, peut-être sans ordre du jour, à l'occasion.

Varier les techniques d'animation
A l'écriture de cet article, je me rends compte que nous varions peu les techniques d'animation lors des réunions du noyau dur. Il me semble que c'est dommage, et que ça ne devrait pas être réservé aux réunions avec les bénévoles. Cela permettrait en plus de former par la même occasion les collègues à ces techniques ou à de nouveaux outils. Une réflexion à poursuivre...

Ah non, pas encore un nouvel outil...

Hé oui, parlons-en, des nouveaux outils. Il n'est pas rare que leur seule évocation engendre une levée de bouclier ! Il peut y avoir plusieurs raisons à cela.
Dans certains cas, la mise en place d'un nouvel outil (wiki, Trello,...) n'est pas justifiée, ou vous n'avez pas encore réussi à répondre à la question â??a-t-on vraiment besoin d'un tel outil ?â? Il est alors difficile de convaincre le reste de la troupe.
Dans d'autres, vous êtes convaincu du bien fondé de votre démarche et de ce que cela pourrait apporter au projet, mais vos collègues ne sont pas prêts. Vous avez du mal à leur faire visualiser le fonctionnement, l'intérêt de cet outil.


Montrer concrètement plutôt que d'en parler
Avec Charlotte, qui s'occupe de la communication, nous souhaitions mettre en place un wiki, ou un site internet pour le projet. Cela ne parlait pas à tous nos collègues, si bien que l'idée n'a pas été validée.
Mais, conscients de ce que cela pourrait apporter, et de la difficulté d'en saisir le fonctionnement pour quelqu'un qui n'en a jamais utilisé, il semble que l'on aurait dû le mettre en place AVANT de tenter de convaincre les collègues. Et ensuite, démontrer ses possibilités. Ã?a ressemble à du forcing. Mais on ne touche pas aux valeurs partagées. Et c'est aussi ça le rôle de l'animateur : montrer, proposer, guider. Il sera toujours temps de travailler sur l'appropriation de l'outil ensuite, avec une base bien plus concrète. Dans ce sens, on peut dire que, non, tout n'est pas coopératif !

Ah, les mails...

On a eu un coup de gueule récemment,... par mail. Au sujet du fait qu'il y en avait trop. C'était une ruade isolée, mais qui met le doigt sur les problématiques de communication au sein d'un projet comme celui-ci.

Encore un fois, prendre du recul !
Vous pouvez vous remettre en question, mais prenez bien en compte tous les paramètres : est-ce un avis partagé ? Le volume de mail est-il vraiment trop important, ou bien la personne qui a réagi a-t-elle du mal à gérer le flux ?
Puis faire le point ensemble. La gestion des mails fait l'objet d'un des premiers cours des sessions Animacoop. Car des mails, il y en a, et il y en aura beaucoup, de toute façon.

Savoir gérer ses courriels
Ce que l'on peut faire ? Travailler avec un gestionnaire de courriel, créer des filtres automatiques, et, bien veiller aux objets indiqués. Cela permet à la personne débordée de ne lire que les messages importants, et de laisser de côté, dans les moments trop chargés, ceux qui témoignent plutôt de la vie du projet, type "pour info".
Tester d'autres canaux
Qu'y a-t-il après les mails ? c'est une question à laquelle nous devons réfléchir : wiki, forum de discussion. Nous avons testé de notre côté la mise en place d'un rendez-vous hebdo sous forme de conférence téléphonique : ½ h maxi pour s'échanger les infos. Moins si ce n'est pas nécessaire. BRAUDAinsi, tous les mercredis, de 13h30 à 14h, se tient une petite réunion avec les personnes disponibles. Ce qui a effectivement fait diminuer le nombre de mails échangés !
Du reste, il faut bien que ces infos apparaissent quelque part, que l'on puisse y revenir. Pour le moment, les conférences téléphonique font l'objet d'un petit compte-rendu sur le pad des réunions du TransiStore . Mais de l'aveu de l'équipe, personne ne va le consulter ensuite. Cela amène la notion de â??gare centraleâ? évoquée à plusieurs reprises dans la formation Animacoop. Un endroit où tout se recoupe, et qui donne envie d'y faire un tour régulièrement ! On y revient... Un wiki, un trello, ou un pad avec un nom sympathique, comme â??la pause caféâ?, â??le Daily TransiStore â?... Et n'attendez pas d'être tous d'accord pour le mettre en place ;)

La trêve hivernale â?? maintenir la motivation

Cet hiver, alors que l'association, et donc l'équipe, n'avaient que quelques mois de fonctionnement derrière elles, il y a eu quelques semaines de silenceâ?¦ Plus rien ne se passait, et côté bénévoles, c'était le calme plat. C'était assez déroutant, d'un point de vue d'animateur. Parce que si on le veut, il y a toujours des choses à faire, et à penser. On a envie que ça avance, que tout le monde soit toujours sur le pont, ou pas bien loin. C'est presque une obsession. Et, devant cette trêve générale, j'ai moi même ressenti une sérieuse baisse de motivation.
Cela m'a permis de me rendre compte, une fois de plus, que la vie de ce type de projets ne suit pas un rythme régulier. C'est inévitablement des périodes d'activité en dent de scie.

Mais ce n'est pas parce que les choses avancent moins vite pendant quelques temps que le projet n'avancera sur la durée. Et c'est peut-être l'occasion, une fois encore, de prendre le temps d'un pas de côté : où en sommes-nous ? Y a-t-il des choses à faire évoluer. Et moi, où j'en suis dans tout ça ?

Sous forme de conclusion

J'ai rédigé ce témoignage dans le cadre d'un troc de compétences. J'aimais vraiment le principe. Et l'exercice m'a en lui même beaucoup apporté en m'obligeant à regarder les choses sous un autre angle. Le retour d'expérience est donc utile à celui qui le lit, s'il s'y reconnaît, et aussi très bénéfique à celui qui l'écrit ! Je ne peux donc qu'encourager les porteurs de projets et animateurs de projets collaboratifs à se prêter au jeu, et à en faire profiter le réseau des animacoopiens, et tous les autres !

A propos de ce retours d'expérience

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