Module 02 - Démarrer un réseau coopératif

Trucs et astuces pour démarrer un réseau coopératif

Commencer modeste

Pour (ré)apprendre à coopérer, il est judicieux d'éviter les sujets polémiques. Il vaut mieux tester méthodes et outils coopératifs sur de petits projets avec peu d'enjeux que sur des chantiers vitaux pour le groupe.


Des acteurs culturels souhaitent coopérer pour pouvoir répondre collectivement à un appel à projet européen auquel ils ne pourraient répondre seuls.
Pour le réseau, le chantier vital est donc la mutualisation d'un projet d'envergure pour pourvoir lever les fonds nécessaires au fonctionnement de l'action commune.
Commencer la structuration du réseau par le partage de fiches de présentation des projets de chacun (ou des structures) ; établir un agenda partagé pour créer des liens entre les événements existants, permet de faire avancer la connaissance et la reconnaissance mutuelle des acteurs. Ce n'est que plus tard, quand les membres du réseau auront un peu de vécu commun et de pratiques coopératives, qu'un chantier sur la mutualisation des moyens pourra être envisagé.

Commencer en présence

Lorsqu'on parle de réseau coopératif, on envisage une communauté qui n'est pas toujours sur le même espace-temps : il y a du travail à distance, des échanges synchrones et asynchrones. Pourtant Rares sont les communautés virtuelles qui fonctionnent uniquement à distance : les rencontres "en présence" sont des temps forts de la dynamique de réseau.
Ainsi, lorsqu'on démarre un réseau, il est important d'expérimenter en présence des outils et méthodes qui seront ensuite utilisés à distance. Cela permettra de se familiariser, de se former, de se rassurer et d'assurer une continuité entre présence et distance.


Si vous souhaitez utiliser des outils tels qu'un pad, un google doc ou encore un wiki, il est conseillé de présenter l'outil en réunion présentielle. Les participants auront ainsi un temps d'appropriation et vous lèverez les éventuelles craintes d'une utilisation à distance


Commencer simple

Proposer des outils faciles à prendre en main par les utilisateurs

Lorsqu'on aborde l'utilisation d'outils informatiques, la première marche est la plus importante à passer. Si la première manipulation est simple, les contributeurs rassurés auront envie de s'investir un peu plus. Ils accepteront le fait qu'il y ait besoin d'un petit temps de formation ou de prise en main.

  • Si possible, préférez des outils ne nécessitant pas d'identification/création de compte.
  • De nombreux outils collaboratifs sont très riches en fonctionnalités. La surabondance de fonctionnalités peut sembler vertigineuse et les membres de votre groupe peuvent se sentir perdus. On peut alors cacher des fonctionnalités et au fur et à mesure que le groupe grandit en maturité, on ajoute progressivement des briques. On peut également attendre que la demande soit exprimée et faire évoluer le dispositif technique en fonction des propositions du groupe.

Ã?tre pragmatique

Utiliser des outils faciles à installer et configurer, sans compétence technique

Plutôt que d'attendre d'avoir les moyens nécessaires pour créer un dispositif sur-mesure, dès que la dynamique de réseau frémit il vaut mieux commencer à installer quelques outils clés en main, faciles à installer et à utiliser : bricoler en assemblant des outils peu onéreux mais qui permettent de commencer à proposer des démarches coopératives (Pad, liste de discussion, Google doc,...).

Bien sûr le résultat sera imparfait : dans l'idéal, il serait préférable d'avoir par exemple des outils 100% libres. Certains seront peut-être hostiles à l'utilisation de services en ligne gratuits douteux sur le plan éthique et peu scrupuleux quand à votre vie privée.
Certes, mais l'animateur de réseau se doit d'être pragmatique. Ces outils sont à utiliser en connaissance de cause et pour ce qu'ils sont : des services en ligne simples, qui peuvent aider à faire émerger une dynamique coopérative. Il est toujours possible de s'émanciper, dans un second temps, vers des outils plus vertueux (wiki, outils made in "Framasoft "...)

Faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération

Un grand voyage commence par de tous petits pas

Même s'il semble que la coopération soit une composante majeure de l'animal humain, quelques siècles de "saine concurrence", de "il ne faut pas copier", de "pour exister, ne doit rien à personne"... handicapent les humains qui s'y frottent. Il convient donc de, petit à petit, ré-instiller la dimension coopérative.

Pour qu'un réseau se mette à coopérer, il faut provoquer des (même petites) ruptures et ces basculements sont souvent irréversibles. Nous proposons pour cela de faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération :
  • Lever un menhir : 340 personnes tirent dans des sens différents mais pas trop fort. Super expérience mais pas facile à mettre en place...
  • Prendre des notes à plusieurs, en même temps et sur une même page : Framapad, Google doc, ces outils permettent de co-rédiger en ligne un texte. Plus simple que lever un menhir et très efficace!
  • Animer un débat en utilisant des cartes mentales (Freeplane) vidéo-projetées en direct : cette technique permet de noter toutes les idées (toutes les idées et personnes sont traitées de la même façon) de façon visible, et de façon heuristique : on voit toutes les idées du groupe en coup d'œil.
image exemple_mindmap.png (62.1kB)
Exemple de prise de note en direct sur un logiciel de carte heuristique (Freeplane)
  • Faire faire et valoriser la rédaction de synthèses de listes de discussions : les membres du réseau discutent parfois sur des listes et des forums de sujets très pointus. Celui qui a initié la discussion doit réaliser une synthèse. Il peut y avoir un classement des synthèses des listes de discussion suivant qu'il s'agit d'un simple copié-collé, ou d'une rédaction plus organisée.

Voir l'exemple de synthèse des forums et des listes de discussion du réseau Tela Botanica
  • Synthèse de niveau 1 : collecte des messages
  • Synthèse de niveau 2 : collecte et mise en forme des messages
  • Synthèse de niveau 3 : réécriture du texte avec références


  • Mettre du contenu imparfait, à corriger : n'écoutant que leur bravoure pour défendre la pureté de la langue, ceux qui hier encore freinaient des quatre fers à l'idée de participer sur un outil informatique passent la barrière technique et corrigent les fautes ! (cette astuce est encore plus efficace quand la faute porte sur le nom d'une personne : au souci de l'orthographe irréprochable s'ajoute l'aiguillon de l'ego...)
  • Faire des jeux coopératifs pour créer des liens et se mettre en mouvement ensemble sur des jeux sans enjeux.

Commencer par soi même

Sois le changement que tu veux voir dans le monde (Gandhi)

Au niveau de la structure : si vous avez pour projet de faire coopérer un groupe, un réseau, il vous faudra commencer par pratiquer méthodes et outils coopératifs en interne.
Au niveau individuel : soumettez à votre groupe des outils que vous maîtrisez déjà bien. Il n'y a rien de plus démobilisant que le lancement d'un outil collaboratif mal maîtrisé par l'animateur/trice ou qui ne répond pas aux besoins des membres du groupe.

Mais comment faire lorsqu'on est dans un contexte très figé, très contraint, difficilement perméable à ce type de pratiques ? Il faut partir du plus petit dénominateur commun sur lequel on a prise pour coopérer : quelques collègues de confiance, un petit groupe de travail audacieux... On trouvera toujours deux ou trois personnes prêtes à jouer le jeu !

Piloter en attention plutôt qu'en intention

  • Gérer un projet "en intention" : le coordinateur "a l'intention de".... Il prévoit dès le début les objectifs, le déroulement du projet, le calendrier, le budget... C'est la gestion de projet classique.
  • Gérer un projet "en attention" : l'animateur "fait attention à"... Il crée des situations coopératives : faire se rencontrer les personnes, faire en sorte qu'elles puissent échanger..., être ensuite à l'affût et réactif pour donner des suites concrètes aux discussions, aux idées, aux besoins identifiés. C'est la gestion de projet coopératif.

L'animateur doit donc s'astreindre à se taire, à mettre ses idées de côté et plutôt privilégier une attitude d'écoute et d'observation. Nous verrons durant le regroupement 1 comment nuancer cela et adapter sa posture d'animateur selon le stade de maturité du groupe.


Les outils de formulaire sont particulièrement efficaces pour faire émerger des besoins collectifs : par exemple un questionnaire dont les résultats sont partagés collectivement. Au fur et à mesure des réponses, l'animateur communique au groupe les résultats..

Ã? miroir, mon beau miroir

Rendre le groupe visible à lui-même est une étape fondamentale pour engager la coopération entre les membres. C'est un pierre fondatrice de l'identité, de la culture commune.

On peut utiliser différentes techniques et outils :
  • cartographier les membres pour représenter la communauté et qu'elle prenne corps, qu'elle soit moins virtuelle en prenant une dimension géographique.
  • réaliser un inventaire des compétences (en identifiant le point fort de chacun et en le mettant en évidence sur une carte heuristique, par exemple), de ce que l'on est prêt à partager (quelles sont les ressources que les membres du groupe peuvent partager avec les autres membres ?)
  • partager les problèmes et points de blocages des uns et des autres, ce en quoi les autres peuvent m'aider.


Le réseau Relie Toits (réseau des acteurs des dynamiques participatives d'habitat) a mis en place un annuaire permanent et dynamique (actualisation permanente, par les membres eux-mêmes). On peut consulter cet annuaire sous forme d'une liste ou d'une cartographie (en bas de page), et on peut y faire des tris sélectifs par critères.
image carterelietoit.png (0.1MB)
Lien vers: http://relie-toits.org/wakka.php?wiki=AnNuaireusagersq
Annuaire Relie Toits


Encourager les contributions

Pour initier ou prolonger une dynamique coopérative qui s'appuie sur des participations volontaires, il est important de valoriser la moindre contribution. Par exemple citer tous les contributeurs du projet, même ceux qui n'ont eu qu'une participation très minime (apologie du renforcement positif).
Il n'y a pas de mal à se faire plaisir !

Par ailleurs, il peut être très utile pour un animateur de réseau de bien connaître les contributeurs éventuels pour repérer le chemin entre leurs préoccupations et le projet.

Développer le partage de connaissances

Coopérer suppose partager... Partager ses savoirs (documents de projets, fiches pédagogiques, bonnes pratiques...) sur une plateforme Internet commune, ou sur un forum. Cette démarche, utile pour permettre aux pairs d'aller plus loin dans leur projet, a la vertu de créer une dynamique entre acteurs :
1. je partage mes connaissances
2. d'autres s'en emparent pour les adapter à leur situation... et partagent en retour leurs améliorations ou adaptations spécifiques réalisées dans leur projet.

On parle alors de bien commun (notion essentielle, abordée plus tard dans la formation)

Partager oui, mais sous quelles conditions ?

Lorsqu'on envisage un réseau coopératif, il est fort probable que les échanges fassent émerger des productions collectives communes (cf le paragraphe précédent).
Pour éviter tout problème ou malentendu, il est important de discuter dès le début des conditions d'utilisations, et des droits qui s'appliquent aux productions communes :
  • Qui est propriétaire du contenu élaboré collectivement ?
  • Ce contenu pourra-t-il être vendu ?
  • Pourra-t-il être transformé ? ...
Les licences Creatives Commons (contrat adaptable de droit d'auteur pour libérer ses œuvres) permettront d'aider à réfléchir sur le sujet et à donner un cadre juridique à la création de biens communs. Ces questions seront approfondies dans un module ultérieur.

S'entourer de bon "suiveurs"

Bien sûr, la vie d'une communauté dépend largement de la qualité de l'animation. Néanmoins, dans cette courte vidéo récréative, il est expliqué avec talent que le leadership est indispensable pour initier la chose, mais que sans suiveurs impliqués dans l'action, elle n'irait pas loin.
A transposer dans vos projets évidemment.